Depuis le début de la crise de la dette européenne, chaque pays tremble littéralement à la simple évocation d’une dégradation des notes des dettes souveraines des états européens. Après avoir été laxistes sur les notations des subprimes, ces agences se retrouvent intransigeantes envers les pays.
Mais ces agences sont-elles si puissante ? Leurs décisions sont-elles rationnelles et dignes de confiance ? L’église semble avoir quitté le centre du village dans la presse, il est donc nécessaire de faire un état des lieux pour pouvoir comprendre ce phénomène.
Dans un monde financier comme le nôtre, les personnes ayant de l’argent à placer cherchent des alternatives auprès des personnes ayant besoin d’argents pour leurs projets présents. Pour que les premières prêtent aux deuxièmes, il faut être sûr que l’argent prêté rapportera, et qu’au terme du prêt l’argent sera remboursé en intégralité. Mais avec la complexification des règles comptables à travers le monde, sous l’impulsion du système anglo-saxon, il devient de plus en plus difficile pour les simples quidams d’arriver à saisir la santé financière des emprunteurs. Les prêteurs, méfiants et n’arrivant pas à se faire une opinion, risquent donc de préférer garder leurs sous et l’économie se retrouverait grippée. Nombre de projets se retrouveraient à l’arrêt par faute de moyens.
Mais comme c’est principalement le cas dans la mondialisation, là où réside un problème complexe se positionnent des agents spécialisés, à même de fournir les informations nécessaires. Pour les actionnaires et les investisseurs en action, ce sont les banques et les brokers qui conseillent, ou encore des institutions spécialisées. Du côté des investisseurs obligataires, c’est là qu’entrent en jeu les agences de notations.
Leur rôle est donc d’éplucher les comptes des différentes sociétés et des États demandant des prêts et de décerner une note de solvabilité. Les échelles sont sur 20 crans. Le cran le plus bas définit des emprunteurs pourris, dont les chances de remboursement sont infimes, voire nulles. Le cran supérieur conforte un remboursement absolu, sans risque, en temps et en heure.
Le principe de rémunération est plus lucratif que celui des actions. Si pour les actions, ce sont les investisseurs qui couvrent l’intégralité des frais liées aux analyses, pour les obligations, les charges sont réparties. Une entreprise qui souhaite se voir attribuer une note devra verser la somme de 70.000 U$D pour l’analyse initiale, suivi qu’un montant de « couverture », afin de financer la surveillance de la notation. Ce montant est généralement de l’ordre de la moitié du montant de l’analyse initiale, soit autour de 30.000 U$D. Les personnes et institutions qui demandent l’accès à ces informations (Hedge fund, Etats, Banques,…) rémunèrent également les agences.
Tout ce système de rémunération fond des agences des génératrices de marges bénéficiaires plus qu’appréciables, des marges qui oscillent entre 40 et 60% de rentabilité. Autrement dit, elles gagnent deux fois plus qu’elles ne dépensent. La notation obligataire, un marché fortement lucratif donc.
Les agences de référence les plus influentes sont au nombre de trois et sont toutes trois américaines. Il s’agit de Moddy’s, Standard&Poors et la plus petites des trois, Fitch. Si leurs origines sont effectivement anglo-saxonnes, chaque agence a déclinée des bureaux dans l’ensemble des principales places financières mondiales.
A côté de ces principales agences coexistent des agences nationales, mais centrées exclusivement sur les marchés locaux. Cette restriction explique leur manque de visibilité. Pour la France par exemple, il s’agit de l’ADEF, pour Agence D’Evaluation Financière.
Bien que les trois agences américaines soient les principales, il ne s’agit pas des seules sur le marché international. Depuis l’Empire du Milieu, les mannes financières résultant des balances commerciales excédentaires ont hissé le pays au sommet des puissances disposant de liquidités. Avec la politique du taux de change fixe du Yuan, chaque devise étrangère entrant dans le pays est réinvesti directement dans sa zone monétaire. Ce mécanisme permet au Yuan de ne pas varier puisqu’il n’existe aucune demande de Yuan contre des devises étrangères. Dès lors, depuis 1994, la Chine a mit en place sa propre agence de notation. Baptisée Dagong, elle est moins influente et moins connue parce qu’elle s’internationalise depuis peu. Au vu de la crise que la finance mondiale a traversé, puis l’Europe et sa dette souveraine, elle n’en reste pas moins un autre point de vue intéressant à considérer pour les investisseurs obligataires.
Un exemple, les Etats-Unis. Si pour l’instant la note de la dette souveraine américaine est de 19/20 dans une des agences américaines et de 20/20 chez les deux autres, elle est de 15/20 auprès de l’agence chinoise. Si la note reste excellente, le contraste est cependant frappant.
Après la crise de la dette qu’a traversé l’Europe, certains dirigeants avaient également fait part de la volonté de créer une agence européenne d’évaluation des emprunteurs. Mais si cette idée se concrétise un jour, ce ne sera pas avant 2015. Les dispositions de l’Union Européenne de ce début d’année ne placent pas la création de l’agence à l’ordre du jour.
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